samedi 31 octobre 2009

PROVIDENCE. Alain RESNAIS. Critique publiée dans le N°546 des Inrockuptibles dans la rubrique Film télé.


Le 1er janvier 1977 - par Luc Arbona.


Pour Alain Resnais, l'histoire est une grande maison pleine d'histoires et faire le tour du propriétaire c'est se lancer dans une séance de psychanalyse.

-Les films de Resnais ne doivent pas se regarder seul. Il faut au moins être deux, histoire de donner des coups de coude au premier qui s'endort.
-Tu n'as pas honte d'écrire ça?
-En tous cas, toi, tu continues de lire. Avec Providence, il y a de quoi s'allonger sur un divan : un véritable hors-série psychanalyse du catalogue Rustica ; je te fais visiter une vieille maison pleine de secrets, viens suis-moi, oh, zut, je ne sais plus où j'ai mis la clé...
-Tu n'es jamais très clair ; un hors-série psychanalyse du catalogue Rustica?
-Absolument. La veille de ses 78 ans, un vieux notable passe sa nuit à picoler et à faire des rêves. Il va crever, et comme tous les notables, il traîne derrière lui des histoires pas claires. Le film se construit comme une maison hantée de scénarios, des fantasmes où l'on se perd avec délice à condition d'aimer descendre à la cave : c'est un peu froid et obscur. Comme le Desplechin de La Sentinelle, le Resnais de Providence est un cinéaste de l'après-Seconde guerre mon diale : il a terriblement conscience que l'histoire, cette chose qu'on veut nous faire passer pour une réalité monumentale et transcendentale, quasi divine, n'est qu'une succession d'instants, d'accidents, de choix à faire, un chaos dans lequel on se perd.
Resnais cherche une histoire, la Providence au-dessus de tout ça. A la fin du film, une phrase-clé incendie cette grande maison bourgeoise : "La mort nous fait renifler la tentation de croire en quelque chose." [coup de coude]
-Eh, ouvre les yeux, on est en plein dedans.