Au début de son Peter Pan, James Matthew Barrie écrit : "Quand j'eus sept jours, voyez-vous, je décidais de ne plus grandir." Michael Jackson, mort ni jeune ni vieux, avait fait de cette phrase inaugurale son mode de vie. Ce qui vous pose un homme, humain trop humain. Michael Jackson n'était ni un monstre ni un extraterrestre. Mais un mutant. C'est-à-dire notre frère en transes, dont les rectifications successives, comme gravées sur son corps en pénitence perpétuelle par une machine kafkaïenne, annonçaient toutes les métamorphoses contemporaines, leurs folies, leurs raisons, et leurs croisements, qu'ils soient scientifiques, sociologiques ou politiques. De la chirurgie esthétique au trafic d'organes, de la biochimie des gènes à la confusion des sexes (ce qui tombe à point nommé en ce 40e anniversaire de la Gay Pride), de la civilisation mondiale de l'enfant roi au graal tout aussi planétaire de l'éternelle jeunesse. Un nouvel Adam, le futur de notre espèce, icône de notre inquiétante modernité, ce qui explique, tout autour de la Terre, une inflammation de réactions qui a failli cramer sur Internet certains moteurs de recherche.
Transgressif, déviant littéralement, puisqu'il s'obstina jusqu'à son effacement final, à renverser une à une toutes les idoles de lui-même : devenu blanc alors que né noir dans l'Amérique des Blacks panthers, ce qui lui valut bien des inimitiés du côté des militants de la cause noire ; fille quand il faisait le graçon ; enfantin dans un corps d'adulte ; père de famille accusé de pédophilie ; immensément riche et immensément ruiné ; vulgaire et classe ; cmlair et trouble à la fois, fidèle et traître, à son âge, son sexe, son identité.
Dans le clip Thriller réalisé par John Landis il avouait à sa petite amie juste avant de la dévorer : "Je suis un garçon différent."